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25 octobre 2013 5 25 /10 /octobre /2013 21:11

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Anna Calvi
One Breath (2013, Domino)

3,5/5


Ah la Calvi ! S’il est une personne pour qui l’expression « les yeux revolver » a le mérite d’exister, c’est bien elle. Un regard perçant, clair comme de l’eau de roche et tout aussi glacial pour peu que l’on s’arrête à une première impression de façade.

Pourtant, la jeune trentenaire a le sang chaud. Et si, pour elle, il est bien inscrit Twickenham, en Grande Bretagne, à l’endroit généralement réservé à la ville de naissance, c’est bien du sang latin qui coule dans ses veines.

Fille d’immigré italien, Anna Margaret Michelle Calvi a baigné dans la musique dès son plus jeune âge. A son père, guitariste de jazz amateur, elle demandera un violon à l’âge de six ans avant d’opter pour la guitare deux ans plus tard. Le responsable du revirement ? Un certain Jimi Hendrix : « Il y avait cette improvisation hallucinante, un peu hispanisante, qui me fascinait. J’avais l’impression de voir à l’image (ndlr : le concert de Woodstock) l’émotion jaillir du plus profond de son être pour se traduire instantanément en sons électrisants, bouleversants. Mon lien à la musique me ramène toujours à cette vision. Plus tard, j’ai bien étudié la théorie à l’université, mais mon cerveau se crispait toujours, en signe de rejet. Je suis et reste avant tout une instinctive. » (1)

A partir de modèles tels que Maria Callas ou Nina Simone, dont elle se sent plus proche que les PJ Harvey et autres Kate Bush auxquelles la presse se croit obligée de la relier, l’artiste s’est forgée une identité musicale propre.

Car il y a quelque chose de cinématographique dans la musique d’Anna Calvi. Et la belle n’a pas attendu l'automne 2013 pour l’exprimer.

Dès les premières mesures de son effort inaugural, en 2011, la messe était dite : Rider To the Sea plantait le décor. Ce son de Telecaster qui sentait bon la terre chaude des grands espaces américains, ce climat d’attentisme, de tension... Un coup d’harmonica par-dessus tout ça et on se serait facilement laissé convaincre que tout le casting d’Il était une fois dans l’Ouest allait pointer le bout de son nez.

Aussi lorsque No More Words enfonçait le clou, on était prêt à succomber au charme et au répertoire de la miss, d’autant que sa voix, joliment grave, suave et mélodieuse comme – au hasard – une Dusty Springfield savait en jouer en faisait un ovni en des temps où certaines de ses consœurs cherchaient encore à faire la distinction entre provocation et lourdeur sans succès si ce n'est commercial.

Anna-Calvi.jpgLas, en dépit d’instants forts, à l’image de First We Kiss ou l’estampillé Mazzy Star Love Won’t Be Leaving, Anna Calvi était et reste un disque qui vaut plus par ses climats éthérés et ses ambiances « morriconienne » que par ses mélodies.

De là à dire que la suite n’intéresserait quiconque n’avait pas cédé au charme de ce premier album, il y avait un gouffre que certains ont franchi sans problème. Exemple, Nicolas Ungemuth dans Rock&Folk : « Elle est de retour la sirène. Avec un deuxième album fabuleux qui n’enchantera sans doute pas tout le monde : ceux qui avaient été insensibles à Anna Calvi ne trouveront pas la Voie avec One Breath. »

On sait le chroniqueur peu enclin à mâcher ses mots mais il s’est trompé. Une fois de plus mais c’est là un autre débat...

Anna Calvi a su, en effet, faire le plein de mélodies et les distiller avec toute la grâce et le talent dont on la savait déjà dotée.

Dès Suddenly, dans lequel la Britannique souffle le chaud et le froid entre couplets faussement calmes et explosion vocale, l’auditeur est confronté à un choix déterminant. Soit il n’adhère pas et laisse ce One Breath en l’état. « Au revoir et merci. J’aurais essayé. » Soit il reste et se laisse prendre dans la tourmente dès l’excellent Eliza.

Après cela, à lui la beauté des Sing To Me et autres Cry, l’emphase des Bleed Into Me et le graal : ce sublime The Bridge qui vient clore le disque comme un prêtre clôt une messe.

En diversifiant son répertoire (de la ballade intimiste au rock de Love of My Life), Anna Calvi n’a, heureusement, pas délaissé le point fort de son travail : les ambiances. Sur ce plan-là, One Breath est une réussite (Carry Me Over et ses marimbas hypnotiques).

Personne ne sera assez tordu d’esprit pour affirmer que la chanteuse avait besoin d’un deuxième souffle en laissant sous-entendre qu’elle était, créativement parlant, à la peine. Pas à ce stade de sa carrière et pas tant qu’elle gardera cette ligne de conduite qui la pousse à écrire une musique qui n’est pas forcément à la portée du premier MTV addict venu.

Malgré tout, celui qu’elle vient d’insuffler à ce nouvel effort laisse présager un avenir radieux et la classe du côté des futurs grands.

 

(1) Telerama.fr

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