C’est la fin de l’année, l’heure des bilans a sonné. Crise oblige, la peau du ventre est plus ou moins ou bien tendue. 2013 s’achève dans une morosité ambiante. Désormais, le bonnet rouge n’est plus associé à cette vieille image d’Epinal d’un commandant Cousteau explorant les fonds marins.
A une époque où beaucoup touchent justement le fond sans quitter la terre ferme et où les A, jadis triples, fondent comme neige au soleil, les raisons de se réjouir sont aussi rares que prisées.
L’une d’entre elles concerne toutefois la musique. 2013 restera, en effet, une année plutôt riche dans le domaine. Comparé au reste de l’actualité, tout cela fait, certes, office de mercurochrome sur une jambe de bois mais ne boudons pas notre plaisir. Au moins le temps d’une rétrospective relatant treize des temps forts de l’exercice. Treize derniers desserts qui se sont démarqués dans une vitrine pourtant des plus alléchantes. Jugez plutôt : David Bowie (retour de l’année), Paul Mc Cartney, Steven Wilson, Portugal The Man, Queen of the Stone Age, Steve Lukather (avec ou sans Toto), Anna Calvi, Miles Kane… On continue ? Cass McCombs, le prodige Jake Bugg (deux albums !), Midlake, Deep Purple, Mazzy Star, Agnes Obel, Nick Cave...
Et en France ? Du beau monde : Higelin, Daho, Monsieur Roux, sans oublier feu Daniel Darc. Loin des déceptions, aussi franches (Beady Eye, Jil Is Lucky) que relatives (Dream Theater, MGMT), ou des sucreries dangereuses pour le cholestérol auditif (Daft Punk, malgré l’excellent Get Lucky), voici, sans ordre de préférence ou presque, les treize galettes qui auront le plus tourné, ces douze derniers mois, dans nos platines.
Jacco Gardner
Cabinet of Curiosities
Digne héritier des années 60 et d’une scène pop baroque elle-même emmenée par les Kinks et les Beach Boys de l’ère Pet Sounds, le Néerlandais ravive, en douze mini symphonies psychédéliques, le souvenir d’une scène musicale dont les groupes phares s’appelaient les Left Banke, les Zombies ou encore Millenium.
Au-dessus du lot, plane l’ombre d’un Syd Barrett qui aurait probablement enregistré le même disque s’il avait eu 20 ans aujourd’hui (The Ballad of Little Jane). Coup d’essai, coup de maître. Gardner signe l’album de l’année.
Arcade Fire
Reflektor
Retour en fanfare avec ce double album colossal à travers lequel les Canadiens entendent faire danser la planète sur des sonorités qui flirtent souvent avec les années 80.
Une véritable machine à remonter le temps sonore et des trésors de fabrication intacts : des compositions mélodieuses, d’apparence très simple, dans lesquelles les instruments sont posés couche par couche pour, au final, servir une sorte de millefeuilles musical peaufiné jusque dans les moindres détails. Mention spéciale à Reflektor, Normal Person et Joan of Arc.
Black Sabbath
13
Réunis pour la première fois en studio depuis 1978, Ozzy Osbourne, Tony Iommi et Geezer Butler signent un 19e album monstrueux. Malgré l'absence de Bill Ward, malgré la maladie.
Emmené par les tueries que sont God Is Dead ? Live Forever et Dear Father, 13 s’impose comme l’un des albums metal de l’année.
Logique pour les maîtres du genre.
Jonathan Wilson
Fanfare
Héritier de la scène folk rock américaine des années 60-70, Jonathan Wilson confirme les attentes suscitées par son excellent premier album, paru il y a deux ans.
Plus étoffé, fort d’une palette d’invités de prestige, Fanfare est un disque qui transporte l’auditeur (Dear Friend, Fazon, Cecil Taylor, Illumination).
Chacune de ses écoutes renforce le sentiment d’avoir revisité un pan l’histoire du folklore US. Le genre de disque à vous faire rêver des routes et des grands espaces américains.
Détroit
Horizons
A défaut d’être le plus attendu, Horizons aura été l’un des albums les plus commentés de l’année, surtout avant sa sortie, en novembre dernier. Bien sûr, il est difficile de passer outre un contexte difficile.
Malgré tout, sur le strict plan musical, Bertrand Cantat et Pascal Humbert livrent une série de chansons aussi épurées et troublantes que belles.
Mikal Cronin
MCII
L’alter ego de Ty Segall distille, à travers ce nouvel album, une power pop rafraîchissante et aguicheuse. Une collection de chansons (Weight, Peace of Mind, Don’t Let Me Go, Change, Turn Away, Piano Mantra) à apprécier comme un rosé bien frais.
La modération en moins.
Alice In Chains
The Devil Put Dinosaurs Here
Puissance des riffs et finesse des mélodies : la recette Alice In Chains est inchangée. Si The Devil Put Dinosaurs Here est plus difficile d’accès que Black Gives Way To Blue, précédent effort du combo de Seattle, il n’en reste pas moins redoutable comme en témoignent les Choke, Scalpel et Hung On a Hook. De là-haut, Layne Staley approuve sûrement.
Franz Ferdinand
Right Thoughts, Right Words, Right Action
Après avoir frôlé la séparation, les Ecossais sont revenus par la grande porte avec leur quatrième et, à ce jour, meilleur album.
Action, réaction, Right Thoughts, Right Words, Right Action est truffé de bonnes idées et de refrains accrocheurs, à commencer par Evil Eye, Goodbye Lovers & Friends et le morceau-titre.
Valerie June
Pushin’ Against a Stone
Epaulée par Dan Auerbach des Black Keys, Valerie June a offert un album qui fleure bon ce Sud des Etats-Unis dont elle est originaire. Nourri au rhythm’n’blues et au gospel, Pushin’ Against a Stone est un disque envoûtant que son auteur n’hésite pas à estampiller « musique roots organique de contrebande ».
Arctic Monkeys
AM
Revigorés après un Suck It & See un brin tiède, les Arctic Monkeys font preuve d’une inspiration au beau fixe avec ce cinquième album qui brille là où son prédécesseur péchait : cohésion musicale, solidité des morceaux (Fireside, Arabella, No. 1 Party Anthem), le gang de Sheffield conforte sa place dans la cour des grands.
Matthew E.White
Big Inner
La « soulitude », ça existe et Matthew E.White en est la preuve vivante. Dans la famille des albums qu’on aime poser dans la platine parce qu’ils rendent la vie plus belle le temps de délivrer leur poignée de chansons, voici Big Inner.
Cordes, cuivres, chœurs gospel inspirés par les légendaires Curtis Mayfield et Marvin Gaye, le soutenu par la voix chaude et posée de ce fils de missionnaires. Sublime.
Steve Mason
Monkey Minds In the Devil’s Time
Avec ce pamphlet pop cinglant à souhait, Steve Mason conforte son statut de songwriter inspiré. Monkey Minds In the Devil’s Time est l’un de ces disques qui s’écoutent comme on lit un livre ou, en l’occurrence ici, un journal dans lequel l’Ecossais crache son venin, dit son dégoût du monde de la finance, fustige les inégalités.
La grande force de Steve Mason, au-delà de son talent de mélodiste, c’est de faire passer son message presque en douceur. A ranger dans la famille des grands albums contestataires.
Mogwai
Les Revenants
L’Ecosse, encore. A travers l’une des grosses cylindrées de la scène post rock, cette fois. Mogwai signe ici la bande originale de l’excellente série Les revenants.
Ambiance vaporeuse, pièces instrumentales minimalistes, la musique colle parfaitement à l’esprit de la série.
Délicieusement anxiogène.